
MES DE MAISTRE
Andre Alciat, mis en rime fran-
coyse, & puis nagueres reim-
prime avec curieuse
correction.
Chrestien Wechel, demeurant en la rue
sainct Jaques, a lescu de Basle.
M. D. XXXIX.


Monseigneur messire Philippe Chabot,
chevalier de lordre, Conte de Burancoys
& Charny. Baron Daspremont, de Paig
ny & de Myrebeau, seigneur de Bryon,
de Beaumont, & de Fonteine Francoyse.
Admyral de France, Bretaigne & Guyen-
ne. Gouverneur & lieutenant general pour
le Roy en Bourgongne, aussi lieutenant ge
neral pour monseigneur le Daulphin, ou
gouvernement de Normandie, Jehan le fe-
vre, secretaire de monseigneur reverendis-
sime Cardinal de Givry, Dit humble
salut.
SIl est ainsi,
hault & puissant
seigneur, que aucunesfois lon
travaille a faire jeux publi-
ques, pour esjoyr & consola-
tier les habitans dune ville, sans quon sai
che a qui lon sesforce complaire. Cest chose
bien juste, que la ou nous cognoissons le chef
de nostre province aggrave de soucyz pour
le pays, travaille de labeurs continuelz
pour le bien du peuple: & par ce souvent sepa
Link to an image of this page [A2v p4]
re de sa sante
ordinaire: nous mettions noz
effors en ouvraige, pour
dresser chose qui
luy complaise, partie par comedies ligie-
res, partie par
matieres graves & senten-
ces dignes de celuy, a qui la
recreation est
aprestee: affin que
les joyeux propos cou
stumiers de
effacer tristesse, puissent mainte
nir sa virilite suyvant le
dire de
Salomon,
& les graves sentences se
saichent accom
moder a sa severe
prudence, tres utile a tous
ceulx de son
gouvernement. A ceste
cause
mon treshonore
seigneur, pour aucunement
restituer ce que je vous doibs en service, &
satisfaire au relief de vostre
recreation (que
le grand
poix des affaires du royaulme
tient en surseance) jay
ause employer quel
ques jours a
reduire en francoys ung pe-
tit
livret, lequel je nomme selon son premier
tiltre,
les Emblemes, ou les Marqueteures
de
maistre
Andre Alciat, homme qui tient
pleine
jurisdiction ez
sciences, & qui nest
pas moins
luysant par la doctrine legale,
que par les sciences humaines, selon que
Link to an image of this page [A3r p5]
assez le vous a insinue son renom, &
la re-
lation tant de ceulx que son
erudition a- [=a ]
dressez, que aultres gens
de riche estude,
dont vostre maison & famille est
decoree.
Il peult advenir que mon occupation se
treuvera menue a la
comparaison de ce que
vous appartient: mais jay ainsi choisy
pour
ceste fois, au moyen de ce que plusieurs
gentilz hommes de la court, se
delectent non
seullement a faire
paindre, ains a faire
ef
figier de orfavrerie
diversitez de ymages,
quilz nomment
devises, y adjoustans quel
ques sentences
propres & consonantes. A quoy
me semble ce present livret estre
tresconfor-
me, & dont ma
hardiesse a cueilly occasion
de le faire
comparoir pardevant vous. Tou
tesfois si ce
petit besoigne se treuve
debile-
ment pourveu dauctorite pour assister
soubz vostre lecture, il pourra
parvenir
devant
ma Dame vostre
treschiere amye
& espouse:
laquelle (ainsi que promet mon
espoir) convertira sa bonne
grace devers
quelque feuillet de ce livre.
Car il est [=n’est]
au jour
Link to an image of this page [A3v p6]
dhuy chose tant desdaignee entre les
hom-
mes, que [=qui]
nayt sa portion daornement ou de
utilite: ce que nature a providemment
voulu,
affin que les choses de petite
extime ne
perdissent leur estre, ou fussent effacees de
la souvenance des hommes. Je
pense bien
quil sera veu par plusieurs personnaiges
qui obtiennent
meilleure place que moy
en toute
facon descripre, & qui plus heureu
sement
eussent mis la main a mon entre-
prise,
comme mieulx appelez, & de plus long
temps,
a dresser propos de
francoyse eloquen
ce. Parquoy je me declare
prest a souffrir
leur lime, & patiemment recepvoir leur
cor
rection: soubz laquelle je confesse
ja, que je
nay
pas tousjours garde
lintegrite de
cha
scun polistique ou
epigramme, en rendant
parolle pour parolle: ains me
suys contente,
suyvant la doctrine de
Horace, de exhiber
largument diceulx: et ce ainsi prochaine-
ment, que les
vers dune langue veullent
souffrir estre
transportez a
vers daultre lan
gage. Ce que
nay peu faire
icy precisement,
Link to an image of this page [A4r p7]
pource que
jay travaille
de tousjours ob-
server le nombre de
huict vers: & il est no-
toire que le
distique de la fertile langue la-
tine surpasse trois vers
francois du com-
mun
gendre: laquelle exuberance ma
rap-
porte obligation prohibitive de
plus fort
approcher le texte. Qui est cause
que soubz
le privilege des licences
poetiques, jay
use
dobtruncation & habundance, selon le be-
soing Ce que presentement je metz
entre
voz munifiques mains, avec
loffre de mes
humbles services.
Affin que vous puissez
asseoir vostre sain jugement sur les
gran-
des differences,
estans entre celluy
qui humble
ment desire scavoir, & celluy qui
scait dont
lon
emprunte les matieres de construction.
Et si loeuvre vous est
aggreable, ce me sera
ung esperon pour faire plus
grand effort
a vous complaire, selon que je
doibs, & que
jen ay
bonne affection, comme scait nostre
seigneur. Auquel je fais
prieres vous don-
ner
prospere & longue
sante au magnifi-
que
estat ou il vous a
constitue.

Ce livre pour ung peu de vent,
Sen voulut ung
jour envoler:
Je luy mys la main au
devant,
En disant, ou veulx tu aller?
Cest folye
te mettre a lair,
Quant encor tu na de ame adveu:
Assez mest (respond son parler)
Si dire puys,
monsieur ma veu.


D. ANDREAE ALCIATI
in libellum Emblematum Praefa-
tio, ad D. Chonradum
Peutingerum Au-
gustanum.
Dum pueros iuglans, iuvenes dum tessera fallit,
Detinet & segnes chartula picta viros,
Haec nos festivis Emblemata cudimus horis,
Artificum illustri signaque facta manu.
Vestibus ut torulos, petasis ut figere parmas,
Et valeat tacitis scribere quisque notis.
At tibi supremus preciosa nomismata
Caesar,
Et veterum eximias donet habere manus.
Ipse dabo vati chartacea munera vates,
Quae Chonrade mei pignus amoris habe.

luysant homme Andre Alciat, fai-
cte a maistre Conrad Peu-
tingre de Auspurg.
PEndant que enfans
au jeu de noix se amusent,
Et les plusgrands souvent aux dez se
abusent,
Pendant que aulcuns aux cartes perdent
temps,
Jay cy
dresse (selon que jentends)
Quelques propos composez par
histoires,
En quoy je rends voyes a tous notoires,
Comme ilz pourront par seulz signes bien dire,
Et maintz bons motz, sans letre faire
escripre:
Quon peult
poser en signeaulx & doreures
De escuz, bonnetz, & en aultres
pareures:
Pour maintenant cy tel
present rendons,
Laissans aux Roys les groz presens
& dons.
Donques Conrad, prends de
mamour ce gaige.
Ung poete
a tous ses dons en langage.
Hint: You can turn translations and name underlining on or off using the preferences page.