Ne se rendre pour la question.

Leena d’Harmodie amie,
Tant bien ses amis a celé,
Qu’on luy osta plustost la vie,
  Link to an image of this page  [F6r p91] Qu’elle en eust un seul revelé.
Iphicrate peintre appellé,
Pour peindre l’amie Lionne,
Qui avoit sobrement parlé,
Peignit sans langue une lionne,
Pour tesmoigner force & constance,
Et au besoin un sainct silence.[1]

commentaires.

Harmodie & Aristogiton, deux vaillans jeunes
hommes Atheniens, prindrent resolution de tuer
leurs tyrans pour mettre en liberté leur republique.
Ils en mirent un par terre: mais l’autre leur eschappa:
lequel pour averer tout le faict de leur conspiration
se saisit de leur garse, nommee Leaena, laquelle il
fit questionner & bourreler estrangement: mais
elle fut si constante en ses torments, que jamais elle
ne voulut rien dire au prejudice de ses amoureux.
Et comme Hippias, (ainsi s’appelloit le tyran qui
estoit resté) continuoit à la faire tormenter & de-
schirer, elle se tronçonna la langue avec les dents,
& la jecta en la face dudit tyran. Les Atheniens,
pour reconnoistre la generosité des deux jeunes hom-
mes, ordonnerent par edict public, que jamais per-
sonne n’eust à se nommer du nom d’iceux: & pour-
ce qu’ils ne vouloyent faire un memorial d’une garse,
ils commanderent à Iphicrate, sculpteur excellent,
qu’il eust à graver la statue d’une Lionne, qui n’au-
roit point de langue, laquelle il poseroit dans le fort
Cecropien. Cest animal, & la garse portans un mesme
  Link to an image of this page  [F6v p92] nom, chacun entendoit fort aisement pour qui avoit
esté dressé ce memorial.