
D’ALCIAT,
de nouveau Translatez en
François vers pour vers
jouxte les Latins.
Ordonnez en lieux communs, avec
briefves expositions, & Figu-
res nouvelles appropriées
aux derniers Emblemes.
BONHOMME.1549.

IL à pleu au Roy nostre Sire de donner
privilege & permission à Guillaume
Rouille libraire, & à Macé Bonhomme
Imprimeur demourans à Lyon, d’im-
primer ou faire imprimer les Emblemes
d’Alciat,
qu’ilz ont faict nouvellement translater de Latin
en Françoys: vers pour vers jouxte la diction Lati
ne, & ordonnéz par tiltres generaulx & lieux com
muns, pour plus facile intelligence d’iceulx, avec-
ques briefves expositions Epimythiques, ensemble
grande quantite de figures de nouveau inventées,
adjoustées & appropriées
auxdictz Emblemes. Ce
que par devant nulz aultres ne
avoient mis en lu-
miere. Parquoy, sont faictes defenses de par ledict
seigneur à tous libraires, & Imprimeurs, & autres
sur certaines grans peines, de n’imprimer ou faire
imprimer, vendre ou distribuer en son Royaume,
pays, terres & Seigneuries lesdictz Emblemes d’Al
ciat en Françoys selon leurs nouvelles translations,
ordonnances, inventions, expositions, corrections,
augmentations, tant d’Emblemes, que des figures, n’i-
celles figures, qui ne furent oncques inventées ne ad
joustées que par eulx, faire, ne contrefaire en quelque
volume, ou marge que ce soit, sans le vouloir & con
sentement d’iceulx, jusques au temps & terme de six
ans, à compter du jour & date de la premiere impres-
sion qui en sera faicte, comme plus à plain est contenu es
lettres patentes sur ce données à Mascon, le ix.
d’Aoust,
M.D.xvlviii. Signées Le Chandelier: Et séellées du
grand séel en cire Jaulne, sur simple queue.

Jacque Conte d’Aran en Escoce, filz du tres-
noble Prince, Jacque Duc de Chastel-le
herault. Prince Gouverneur du
Royaume d’Escosse, Barpto-
lemy Aneau Salut.
POUR avoir cogneu le grand
de-
sir, joingt au plaisir que vous (Tres-
illustre Conte) avez, & prenez à la
langue Françoise: quoy qu’elle vous
soit à présent nouvelle, & estran-
giere, tant pour estre encore en vostre premiere
jeunesse d’eage: que pour avoir esté né, & nourry
jusqu’a présent, en vostre nayve, & patrienne lan
gue d’Escoce, bien diverse de la langue de France.
J’ay esté incité premierement par ma propre ele
ction, & apres enhardy par l’advis consentant de
M. Florent Volusen homme oultre la bonte des
moeurs, & vertus, & la cognoissance des
ars, &
sciences, & choses bonnes et civiles, ayant aussi in-
telligence & faculté des regulieres langues Gréc
que, & Latine, & des Vulgaires Escossoise sien-
ne, Françoise, Italienne, & Espaignolle à luy aqui-
ses par frequentation des nations. Par
le bon advis
doncq’ de luy, & premiere volunté de moy
mes-
me, je ay este induict à la hardiesse de vous de-
dier, & présenter ce petit livre des Emblemes,
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de M. Alciat le tresexcellent jurisconsult, aujour
dhuy vivant & florissant, translatéz par moy de
Latin en Françoys vers pour vers respondant, sus-
criptz de tiltres, & illustrez de briefves declara
tions epimythicques au dessoubz mises en prose,
pour plus claire intelligence de l’obscure & sub
tile briefveté d’iceulx. Avec images, & histoi-
res figurées convenantes à la lettre. Esquelles re-
garder pourra vostre oeil juvenil autant prendre
de plaisir, comme de profict à la parolle et au sens
desdictz Emblemes.
Premierement pour vous
delecter, & passer temps à la plaisante contemplation
des belles pinctures non vaines. Apres pour vous
instruire de bonnes sentences, & vertueux exem
ples. Et finalement pour vous exercer à la lan-
gue Françoise par vous aimée, & desirée. L’une
des choses donnant facile voye à l’aultre. C’est à sa
voir la lettre donnant à entendre la figure: & l’ima
ge declarant le sens de la parolle à veuë d’oeil, &
representant vive action de la lettre morte. Or
Monseigneur (Conte) je vous dedie
& praesente
par ceste epistre, L’oeuvre tel qu’il est translaté,
annoté, & exposé à non moindre labeur qu’il
ha
este premierement composé par Alciat. Vous priant
le recevoir aussi agreablement:
qu’il est donné li-
berallement. Le Seigneur Dieu vous accroisse
toute prosperité. De Lyon ce 3. de Janvier. 1549.

LES Emblemes ou entre-
gectz de Seigneur An-
dré Alciat Gentilhomme
Mylannoys, treseloquent
entre les savans en droict:
tressavant en droict entre
les eloquens: lesquelz entregectz luy homme
jamais ne reposant es lettres, au temps de loisir,
lors que ses esperitz il reposoit des plus grandz
estudes des loix, & se recreoit es plus
delecta-
bles Muses de literature humaine, en passant
temps, il ha espanduz
separeément, & sans
suycte inconsequemment, ainsi que la matiere d-
verse se presentoit, & offroit à ses sens exte-
rieurs, ou, à ses pensées interieures, Iceulx Em-
blemes nous avons rengéz en lieux communs,
comme en certaines bendes, soubz chapitres gene-
raulx des principales choses: procedans depuys
les souveraines, & plus haultes jusque aux ter-
riennes, & plus basses: comme de Dieu jusque
aux arbres. Non point certes à telle intention,
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que nous presumions estre veuz plus diligens,
ou mieulx arrengeans les choses que L’auteur
mesme en la disposition de son propre oeuvre.
mais affin que nous reduisions en commun usai-
ge ce qu’il ha faict par
esbatement. A cest affaire
prenant double regard, & consideration, C’est a-
savoir de plaisir, & profict. Le premier
affin
que une certaine & plus belle forme de l’ouvrai
ge se praesentast aux yeulx des lisans, &
consi-
derans une chescune chose appropriée en son lieu.
Car plus belles apparoissent les choses bien
ar-
rengées, que les esparses, & les ordonnées, que
les confuses. L’aultre affin que plus facile &
prompte fust la treuve,
ou invention aux cher-
chans. Car il est beaucoup plus aysé à chercher
& trouver les choses disposées chescune en son
ordre & lieu, que amoncellées
à l’adventure en
trouppe desordonnée: si quelque fois on à affaire
d’icelles user. Or l’usaige des Emblemes ou En-
tregetz oultre la grace, & plaisir de la joyeuse
nouveaulté (qui allege l’ennuy) la
briefve tren-
che des sentences (qui poingt l’esprit) la
doul-
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ceur delectable des vers (qui adoulcit les oreil-
les) la pincture non vaine des images (qui re-
paist les yeulx) oultre tout cela: encore tel est
l’usaige, & utilité: que toutes &
quantesfoys
que aulcun vouldra attribuer, ou pour le moins
par fiction applicquer aux choses vuydes ac-
complissement, aux nues aornement, aux mu-
etes parolle, aux brutes raison, il aura en ce pe
tit livre (comme en ung cabinet tresbien gar-
ny) tout ce qu’il pourra, & vouldra inscripre,
ou pindre aux murailles de la maison, aux
verrieres, aux tapis, couvertures, tableaux,
vaisseaulx, images, aneaulx, signetz, veste-
mens, tables, lictz, armes, brief à toute piece
& ustensile, & en tous lieux: affin que l’essen
ce des choses appartenantes au commun usage
soit en tout, & par tout quasi vivement parlan
te, & au regard plaisante. Parquoy le Sei-
gneur Alciat mesme ha voulu ses Epigram-
mes par tresconvenable
appellation estre inti-
tuléz emblemes. Car emblemes (com
me bien ha interpreté le tresdocte Francoys
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Monsieur Budae) sont ouvraiges bigarrez de
petites pieces de marcqueterie. Ce que aussi don
ne à entendre l’origine Graecque du mot. Qui-
conque doncq’ vouldra
enrichir ses besoignes
de la divise d’une briefve sentence, & grace
d’une plaisante image: il pourra abondamment
trouver, & prendre en ce livre, ce que bon luy
semblera, pour estre approprié à une
chescu-
ne chose, & ce trespromptement & tresfaci-
lement. C’est à savoir en adressant sa delibera-
tion aux sommaires generaulx & en unes, &
chescunes formes des genres: disposées en leur
ordre, & assiete, jouxte l’ordre naturel de l’usa
ge commun, desquelles aussy la table indiciaire
est mise apres loeuvre total preleu, reveu, cor-
rect, & emendé.
Or voyant & entendant le Seigneur Alciat,
pour les graces susdictes tant profictables que
delectables ses premiers Emblemes avoir esté
bien receuz par tout, & par plusieurs foys mis,
& remis en lumiere mesmement en langue vul
gaire: il ha dernierement suradjousté de rechief
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nonante & troys Emblemes. Toutesfoys sans
images ou histoires figurées: desquelz, avec les
premiers nous avons faict ung seul
corps seul-
lement party en lieux communs & tiltres ge-
neraulx, comme dessus est dict. Pource que ce
n’est matiere continue de mesme argument,
pour estre divisée en livres: mais bigarrée de
diverses pieces, qui plustost requierent estre di-
stribuées, & arrengées
soubz tiltres generaulx,
ou specialement elles appartiennent.
D’advantaige
nous y avons prefix oultre les inscriptions som-
maires, l’habitude & figure de l’Embleme,
que les Graecz appellent σχῆμα Schema, com
me quand c’est probleme (c’est à di-
re demande avec resolution) ou dialo-
gisme (c’est propos finct à deux person-
nages parlans) ou Apostrophe, (c’est adresse de
parolle à seconde personne,) ou apodi-
xe, (c’est à dire evidence, ou evidente
demonstration,) ou prosopopoeie, (c’est
à dire fiction de personne parlant à chose sans
ame) & semblables formes de dire Poëticques,
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& diverses de la commune forme de parler,
Oultre ce avons soubjoinct au dessoubz une
briefve interpretation Epimythique, donnant
à entendre le sens & usage de l’Embleme.
Le tout en nostre pur langage Françoys. Au
quel aussy avons à grand labeur, intelligence, &
jugement tourné non seullement les Emblemes
derniers avec images & figurées histoires par
nous devisées & appropriées à la lettre: mais
aussy les premiers, tout aultrement qu’il [=ils]
n’avoient
esté par avant si non en mieulx, au moins en plus
brief. Car tous ilz sont translatéz vers pour
vers, & au plus pres de la diction Latine, sans
paraphrase extravagante, ou changement de
sens & de parolle. Chose de difficulté incroy-
able, attendu que la langue Latine comprent plus
de sentence en moins de parolle, que la Fran-
coise: qu’elle n’ha poinct d’articles: qui sont re-
quis à la Francoise, & tousjours remplissent,
& allongent le vers. Aussi que le vers latin
est communement plus long que le Francoys de
cinq ou six syllabes, qui beaucoup emportent. &
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que tressouvent L’auteur faict licentieuses ecly
pses, & synalephes, toujours accroissantes le
vers Latin. Joinct que ce sont Emblemes, espe
ces de Epigrammes: en briefve parolle
concluans
tresample sentence. Mesmement en cest Au-
teur: qui plus laisse à entendre à l’esperit, qu’il
ne dict en la parolle ja de
luymesme en sa lan-
gue Latine contrainct & obscur. lesquelles cho
ses ont causé difficulté plus grande, que on ne
pourroit aestimer, à les tourner ainsi vers pour
vers mesme dixains, & non Alexandrins.
Ce que nul aultre en quelconque oeuvre n’ha
par cy devant attenté. Et si quelqung (comme
feit Marc Caton à Albin) me vient à dire.
Qui te ha contrainct à
telle necessité:, de trans
later vers pour vers? Que ne has tu prins liber
té de te eslargir en plusieurs vers? Je
luy re-
spondz, que rien ne me ha contrainct à ce faire.
Sinon premierement imitation des anciens
Poëtes, qui hont
ainsi faict. Car Vergile trans-
portant aulcunes sentences de Hesiode, Ho-
mere, & Theocrit de Graec en
Latin ha tous-
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jours apeu pres rendu vers
pour aultre. Sem-
blablement Horace de Pindare, Ciceron de
Arat, Terence de Menandre. Et du Latin
en Graec Planudes de Caton,
& le Graec trans
lateur de la Metamorphose Latine d’Ovide.
Secondement à ce me ha induict plus propre
convenance, & aequalité en
Epigrammes: qui
ne veullent estre estenduz à longue periode.
Tiercement briefveté requise en
Emblemes.
Car qui pourroit, ou vouldroit mettre gran-
des ambages de longues parolles en petitz si-
gnetz, tableaux, images, verrieres & brode-
ries? Lesquelles parolles occuperoient plus d’es
pace, que la figure mesme. Quartement pour
monstrer aux calumniateurs de la langue Fran-
coise, quelle peut en Laconic abregement aequi
parer la langue Latine. Finalement (affin que
rien je ne dissimule) la confiance de le pouvoir
faire, & en venir achef, comme il en appert.
Or si de rechief on me replicque la licentieu-
se permission de Horace au translateur: à ne
rendre mot pour mot, ne vers pour vers, je
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repondray (ce que aultresfoys j’ay faict) en
la personne du livre.
En translatant vers pour vers rendre, Horace
Point ne commande: & ne defend aussi
Qui le peut faire en ha il moins de grace?
Si c’est mal faict, mal tourné suys ainsi.

homme Seigneur Andre Al-
ciat, Sur les Emblemes.
A Chonrad Peu-
tinger d’Aus-
bourg.
Quand les enfans aulx noix, hommes aulx dez
Passent le temps, & chartes de pincture,
J’ay par esbat ces
Emblemes forgéz
Par main d’ouvriers aussi la pourtraicture.
Affin qu’on puisse en chappeaux, & vesture
Mettre afficquetz, & divise consonne.
A toy (Chonrad) Caesar avoir ordonne
Pieces de pris, & d’ancien ouvraige
Dons de papier au Poëte je donne,
Que tu prendras de mon amour le gage.
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